Cette carte postale, réalisée vers 1907 par l’entreprise des frères Neurdein de Paris[1], dépeint bien les contraintes géographiques du secteur du Cap-blanc[2] et les caractéristiques de l’occupation de son territoire. S’étendant sur une mince bande de terre blottie entre la falaise et le fleuve à l’est de la basse-ville de Québec, cette zone a de tous temps été intimement liée aux activités maritimes. C’est surtout au XIXe siècle que l’essor du commerce du bois et de la construction navale entraine la formation d’un ilot de peuplement significatif en bordure de la rue Champlain, la seule à traverser le Cap-Blanc d’est en ouest[3].
La constitution du cadre bâti dans le secteur est alors fortement conditionnée par les besoins des activités maritimes et par le caractère irrégulier, et parfois destructeur[4], du front rocheux de la falaise. Suffisamment éloignée des centres de Québec et de Sillery, la population multiculturelle[5] du Cap-Blanc obtient au cours du XIXe siècle la construction de bâtiments cultuels et scolaires. La carte postale des frères Neurdein représente, au premier plan, l’église catholique de Notre-Dame-de-la Garde, dont l’édification tardive (1877) explique son emplacement à la périphérie ouest du secteur.
Souffrant du déclin des activités reliées au commerce du bois à la fin du XIXe siècle, la population du Cap-Blanc se voit progressivement coupée de son accès au fleuve au siècle suivant. Dans les années 1910, l’installation d’une voie du chemin de fer National Transcontinental[6] nécessite un premier remblaiement des berges. L’enclavement du quartier, en particulier sa partie occidentale, se poursuit une décennie plus tard par l’aménagement du terminal de l’anse au foulon ou anse Wolfe entre 1924 et 1931. Enfin, au début des années 1960, la construction du boulevard Champlain exige un important remblaiement particulièrement visible dans le secteur du bassin Brown. De surcroît, cette nouvelle voie rapide régionale, à l’apparence d’une autoroute, s’intègre mal dans le fragile tissu urbain du Cap-Blanc.
Des efforts seront toutefois tentés afin de décloisonner le quartier et de redonner à la population l’accès au fleuve : création du parc de Notre-Dame-de-la-Garde, réaménagement du boulevard Champlain en 1997 et inauguration des installations récréatives du bassin Brown en 2008. En 2014, le Port de Québec annonce le projet de la Promenade portuaire du Foulon, c’est-à-dire le prolongement de la promenade Samuel-de-Champlain dans le secteur du Cap-Blanc. Cet espace destiné à « mieux intégrer les activités portuaires au tissu urbain » doit être complété en 2017.
Notes
[1] Les frères Étienne (1832-1918) et Louis-Antonin (1845 ou 1846-1914) Neurdein oeuvrent dans le domaine de la photographie à partir de 1863. Ils proposent des cartes postales représentant des lieux de France, de Belgique, d’Algérie et du Canada. Voir « Neurdein, une histoire familiale », Neurdein.over-blog.com, 30 novembre 2013; « Neurdein Frères », Artistes, Musée McCord, s.d.
[2] Le toponyme, répertorié pour la première fois en 1805, proviendrait d’une appellation amérindienne pour évoquer l’apparence primitive du cap. Au XIXe siècle, il ne désigne en fait qu’une partie de l’actuel quartier. À l’époque, celui-ci est divisé en plusieurs secteurs bien identifiés : le Près-de-Ville à l’est, l’Anse-des-mères au centre et le Cape Cove à l’ouest. Pendant longtemps rattaché à d’autres quartiers de Québec, le Cap-Blanc devient une entité distincte en 1988.
[3] Sous le Régime français, la rue n’est en fait qu’un chemin de grève longeant la falaise jusqu’à Sillery. À la fin des années 1820, on stabilise et pave la voie (en bois jusqu’en 1909). Outre la rue Champlain, quelques sentiers dans la falaise sont aménagés. De nos jours, de ces lieux de passage, il ne reste que l’escalier du Cap-Blanc, inauguré en 1869.
[4]Plusieurs éboulements se produisent dans le secteur du Cap-Blanc. Le plus meurtrier d’entre eux se produit le 19 septembre 1889, enlevant la vie à une quarantaine de personnes. Voir « Le glissement rocheux de Québec« , SOS! Les catastrophes au Canada, Bibliothèque et Archives Canada, 2006.
[5] Au XIXe siècle, on trouvait dans le secteur du Cap-Blanc une communauté canadiennes-française, irlandaise et britannique. Plusieurs marins scandinaves séjournaient également dans le secteur, ce qui justifia l’achat d’un bâtiment pour y aménager un temple luthérien.
[6] Une gare édifiée en 1914 près de l’emplacement actuel du débarcadère de la traverse Québec-Lévis accueillait les passagers circulant sur cette voie. De nos jours, le bâtiment est occupé par le Groupe Desgagnés.
Documents consultés
« Champlain ». Répertoire des toponymes de la ville de Québec. Ville de Québec, s.d.
« Escaliers-Cap-Blanc ». Culture et patrimoine. Ville de Québec, s.d.
« Vieux-Québec–Cap-Blanc–Colline Parlementaire ». Répertoire des toponymes de la ville de Québec. Ville de Québec, s.d.
BERGERON GAGNON INC. Inventaire d’éléments bâtis patrimoniaux supportant l’élaboration de quatre plans de paysage métropolitains : rapport synthèse. [Québec], Communauté métropolitaine de Québec/ministère de la Culture et des Communications du Québec, 2012, 136p.
GAUDREAU, Valérie. « Promenade portuaire du Foulon : deux kilomètres de vélo et de verdure ». Le Soleil, 19 juin 2014.
NOPPEN, Luc et Lucie K. MORISSET. L’église Notre-Dame-de-la-Garde à Québec. Québec, Paroisse Notre-Dame-de-la-Garde, 1999, 16 p.
PATRI-ARCH. Étude d’ensemble du quartier Cap-Blanc : histoire de la forme urbaine et analyse du paysage. Québec, Ville de Québec, Service de l’aménagement du territoire, Division Design, architecture et patrimoine, ii-66 p.
PATRI-ARCH. Étude d’ensemble du quartier Cap-Blanc : le patrimoine architectural. Québec, Ville de Québec, Service de l’aménagement du territoire, Division Design, architecture et patrimoine, 197 p.
VALLIÈRES, Marc. « Québec à l’ère des chemins de fer et de l’industrie ». Marc VALLIÈRES, dir. Histoire de Québec et de sa région. Tome II : 1792-1939. Québec, Presses de l’Université Laval, 2008, p. 1095-1196.
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Merci. Votre travail est inestimable.
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Merci!
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j aimerais en savoir plus sur la rue Champlain. Mon grand père Arthur Doré avait une maison sur cette rue, j y allais tous les dimanche. Elle fut détruite je ne sais pas trop pourquoi. Elle était située tout juste à côté de l actuel restaurant le Marinier. Il y a une clôture en fer forgé noir actuellement.
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Bonjour, d’après le Répertoire des toponymes de la ville de Québec, la rue Champlain » […] existe dès l’époque du Régime français en continuation de la rue De Meulles, aujourd’hui rue du Petit-Champlain. Plus tard, la rue se prolonge vers l’ouest en prenant les noms de rues Près-de-Ville, de l’Anse-des-Mères et du Cap-Blanc. […] En 1876, les rues Près-de-Ville, Anse-des-Mères et du Cap-Blanc étaient incorporées à la rue Champlain ». http://www.ville.quebec.qc.ca/culture_patrimoine/patrimoine/toponymie/repertoire/fiche.aspx?idFiche=410
À quel endroit se trouve le restaurant Le Marinier? Je ne parviens pas à le trouver en faisant une recherche sur Google.
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La maison a été détruite car elle était en mauvaise état, moi j’ai connu Raymond Doré et son épouse Madelaine avec leur 5 ou 6 enfant / toute la famille demeurait au 2 ième étage
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