L’Asile de Beauport nait en 1845 de l’initiative privée[1] de trois médecins de Québec. Installé temporairement sur le site du manoir seigneurial de Beauport, il est transféré cinq ans plus tard sur une propriété bordant le chemin de la Canardière. Bien que situé à l’extérieur des limites de Beauport et incorporé sous le nom Quebec Lunatic Asylum[2], il demeure pour plusieurs l’Asile de Beauport. La résidence qui s’y trouve est réaménagée à plusieurs reprises à l’époque des propriétaires particuliers (1845-1893)[3] en raison des besoins d’espace et des incendies. Conformément aux principes moraux du temps, les patients des deux sexes sont traités dans des ailes séparées. Cette séparation est accrue en 1864 lorsque la clientèle masculine est transférée dans un nouveau pavillon construit plus à l’est.
En 1893, les Sœurs de la Charité de Québec prennent la relève, toujours selon le système d’affermage[4], mais en laissant au gouvernement le contrôle médical de l’institution. Les religieuses s’efforcent alors d’accroitre leur autonomie. C’est à cette fin que l’asile et ses dépendances sont érigés en paroisse en 1896 et en municipalité l’année suivante. C’est également dans ce but qu’est acquise en 1893 la ferme Bourg-Royal, mieux connue de nos jours sous le nom de ferme SMA[5]. Par ces actions, les Sœurs de la Charité visent également à améliorer les conditions de vie des patients. L’aménagement de jardins autour des bâtiments répond à ce besoin. Quant au parc immobilier, les religieuses l’agrandissent pour accueillir une population croissante[6] et pour répondre à des besoins spécifiques[7]. C’est dans ce contexte qu’une chapelle flanquée de deux ailes est édifiée entre le pavillon des femmes et celui des hommes vers 1905[8].
Le 16 février 1939, un incendie détruit tous les bâtiments principaux, à l’exception du pavillon des hommes. L’hôpital est reconstruit plus au nord, de l’autre côté de la rivière de la Cabane-aux-Taupières[9]. Ce nouveau bâtiment, qu’on peut toujours apercevoir de nos jours, est édifié selon les plans de l’architecte Adrien Dufresne. La construction de cet édifice, qui bénéficie d’ajouts ultérieurs, permet à l’hôpital d’accueillir plus de 3500 patients au début des années 1960. Toutefois, à la même époque, la population hospitalière commence à décroître en raison de changements apportés au traitement des troubles mentaux et à l’organisation des soins[10] en santé mentale au Québec. L’ancien pavillon des hommes, renommé Saint-Calixte, fait alors place à un stationnement. Le pavillon Roy-Rousseau, jugé excédentaire pour les besoins de l’institution, est démoli en 2014. Témoins de l’intégration de la municipalité de Saint-Michel-Archange à la ville de Beauport en 1976, les Sœurs de la Charité de Québec cèdent le Centre hospitalier Robert-Giffard au gouvernement du Québec en 1997.
[1] Frileux à l’idée de financer et de gérer directement des asiles publics, le gouvernement de l’époque favorise plutôt le système d’affermage, c’est-à-dire l’attribution de subventions à des particuliers ou à des communautés religieuses, qui doivent eux-mêmes assumer les frais de gestion d’établissements privés. Le gouvernement s’autorise toutefois à inspecter ceux-ci.
[2] L’institution changera de nom à plusieurs reprises au cours de son histoire : Asile des aliénés de Québec (1865), Asile Saint-Michel-Archange (1912), Hôpital Saint-Michel-Archange (1914 ou 1923 selon les sources), Centre hospitalier Robert-Giffard (1976) et Institut universitaire en santé mentale de Québec (2009).
[3] Aux trois fondateurs (James Douglas, Joseph Morrin et Charles-Jacques Frémont) succèdent les médecins François-Elzéar Roy et Jean-Étienne Landry dans les années 1860 puis leurs héritiers dans les années 1880.
[4] Le contrat passé entre le gouvernement et la communauté prévoit l’allocation de 100 dollars par patient par année.
[5] La construction d’un aqueduc et d’une centrale électrique répond au même objectif. Au fil des ans, s’ajouteront d’autres symboles de l’autonomie de l’institution : services de police et d’incendie, bureau de poste, poste de radio, voie ferroviaire.
[6] D’environ 900 patients vers 1893, la population asilaire passe à 1229 en 1911, à 1435 en 1921 et à 1933 en 1931.
[7] L’Asile se dotera notamment d’une école d’infirmière en 1915, d’une école pour enfants ayant une déficience intellectuelle (école La Jemmerais, 1928) et d’un centre d’hébergement pour les patients âgés (pavillon Dufrost, 1931). En outre, l’affiliation à l’Université Laval en 1923 et l’ouverture de la clinique Roy-Rousseau (1926) sur le site de l’hôpital amorcera une vocation de recherche pour l’institution.
[8] La date de construction varie (entre 1904 et 1907) selon les sources.
[9] Il s’agit de l’une des nombreuses appellations du ruisseau du Moulin.
[10] Traditionnellement, l’hôpital accueillait des patients provenant de plusieurs régions du Québec. Dans les années 1960, plusieurs patients sont confiés aux centres régionaux et aux ailes psychiatriques en milieu hospitalier qui apparaissent alors au Québec.
Documents consultés
« Bassin du ruisseau du Moulin ». Plans directeurs de l’eau. Organisme des bassins versants de la Capitale.
« Histoire de l’institut ». À propos de l’Institut. Institut universitaire en santé mentale de Québec.
À la faveur d’un centenaire, une porte close s’entr’ouvre : album souvenir. [Québec], Sœurs de la Charité de Québec, 1949, non paginé. (Fichier PDF à télécharger)
BARBEZIEUX, Alexis de. Histoire de Limoilou. Québec, Imprimerie de l’Action sociale limitée, 1921, 130 p.
CÔTÉ, Louise et Jacques DORION. Arrondissement de Beauport. Québec, Ville de Québec, 2009, 96 p. Coll. « Découvrir Québec ». (Fichier PDF à télécharger)
GAGNON, Madeleine. Le Petit-Village d’autrefois : Beauport-Charlesbourg-Giffard du XVIIe au XXe siècle. [Québec], Madeleine Gagnon, [2012?], 367 p.
LECLERC, Richard. « Les municipalités à vocation religieuse au Québec ». Études d’histoire religieuse, vol. 77 (2011), p. 101-116. (Fichier PDF à télécharger via erudit.org)
LÉGARÉ, Denyse et Paul LABRECQUE. Histoire de raconter : Le quartier Giffard [,] arrondissement de Beauport. Québec, Ville de Québec, 2007, 36 p. Coll. « Itinéraires histoire et patrimoine ». (Fichier PDF à télécharger)
MARTIN, Charles Alfred. Le premier demi-siècle de la psychiatrie à Québec : de l’asile provisoire de Beauport à l’Hôpital St-Michel-Archange. Beauport, Audio-visuel et information, Centre hospitalier Robert-Giffard, 1983, 24 p. (Fichier PDF à télécharger)
NOPPEN, Luc. Québec monumental, 1890-1990. Sillery, Septentrion, 1990, 191 p.
PARADIS, André. « L’asile, de 1845 à 1920 ». Normand SÉGUIN, dir. L’institution médicale. Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 1998, p. 37-74. Coll. « Atlas historique du Québec », 4
PARADIS, André M. « Le sous-financement gouvernemental et son impact sur le développement des asiles francophones au Québec (1845-1918) ». Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 50, n° 4 (printemps 1997), p. 571-598. (Fichier PDF à télécharger via erudit.org)
ROY, Francine et al. Histoire des Sœurs de la Charité de Québec. Tome 2 : Des maisons de charité. Beauport, Publications MNH, 1998, 305 p.
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Toujours aussi intéressant et bien documenté, d’autant plus que j’ai passé toute mon enfance à Giffard et même travaillé à SMA dans les années ´60 comme étudiant. C’était assez impressionnant de mettre les pieds dans cette institution un peu beaucoup mystérieuse, comme tout ce qui relève de la maladie mentale.
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Bonjour, j’aurais aimé avoir de l’information sur le cimetiere très ancien et si beau de l’IUSMQ. Je crois que les médecins de l’époque y sont enterrés? Aussi quel domage que le musee soit fermé. Son contenu existe entassé dans des boutes semble t il.
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Bonjour, je recherche de l’information sur mon arrière-grand-père Georges Nadeau, selon nos recherche il était à l’asile de Beauport en 1911. Il y a t’il une façon de communiquer avec quelqu’un pour rechercher cette information? Il était l’époux d’Eugénie Alix.
Merci beaucoup,
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J’ai 160 ans et oui j’ai connu votre arrière-grand père.
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