La colline Parlementaire (1971)

Vue du boulevard Saint-Cyrille (René-Lévesque) et des abords en 1971. On distingue, à gauche, les édifices Honoré-Mercier, Jean-Antoine Panet, Marie-Guyart, le Grand Théâtre de Québec. De l'autre côté du boulevard, le premier bâtiment de Place Québec est en construction. (Construction de l'autoroute Dufferin-Montmorency à Québec, Jules Rochon - 1971-10, BAnQ, Fonds Ministère des Communications, E10,S44,SS1,D71-381, PE5)

Vue du boulevard Saint-Cyrille (René-Lévesque) et de ses abords en 1971. On distingue, à gauche, les édifices Honoré-Mercier, Jean-Antoine Panet, Marie-Guyart, le Grand Théâtre de Québec. De l’autre côté du boulevard, le premier bâtiment de Place Québec est en construction. (Construction de l’autoroute Dufferin-Montmorency à Québec, Jules Rochon – 1971-10, BAnQ, Fonds Ministère des Communications, E10,S44,SS1,D71-381, PE5)

Vue actuelle du boulevard René-Lévesque Est. Parmi les bâtiments qui n'apparaissent pas sur la photographie de 1971, notons l'édifice abritant l'Hôtel Delta, autrefois nommé Place Hauteville. (Collection de l'auteur)

Vue actuelle du boulevard René-Lévesque Est. Parmi les bâtiments qui n’apparaissent pas sur la photographie de 1971 se trouve, à droite, l’édifice abritant l’Hôtel Delta, autrefois nommé Place Hauteville. (Collection de l’auteur)


Localisation


Depuis la construction de l’hôtel du Parlement[1] en 1877, le secteur de la colline Parlementaire a été façonné par l’État québécois au fil de son expansion. Certes, la Révolution tranquille a fortement imprimé sa marque, mais il serait injuste d’ignorer les interventions antérieures aux années 1960. En fait, dès la fin du XIXe siècle, on estime que le Parlement, qui vient à peine d’être complété, est déjà occupé à sa pleine capacité. Ce n’est toutefois qu’au début du siècle suivant que le gouvernement du Québec autorise la construction de deux annexes[2] visant à loger la bibliothèque et des services administratifs. Étroitement associé à ces travaux, Louis-Alexandre Taschereau[3], premier ministre du Québec à compter de 1920, envisage la formation d’une cité administrative autour de l’hôtel du Parlement dans le but de loger le nombre croissant de ministères[4] et d’afficher la modernité de l’État. Dans les années 1930, le gouvernement Taschereau poursuit l’expansion amorcée par la construction d’un complexe immobilier tripartite à l’ouest de l’hôtel du Parlement. L’élection de l’Union nationale de Maurice Duplessis en 1936 met toutefois un terme au projet de cité administrative[5] alors que deux des trois immeubles projetés sont construits ou en voie de construction[6].

Vue des édifices parlementaires et du faubourg Saint-Louis vers 1925. Comme le suggère le tracé des rues, le faubourg Saint-Louis s'était développé de façon anarchique

Vue des édifices parlementaires et du faubourg Saint-Louis dans les années 1920. Comme le suggère le tracé des rues, le faubourg Saint-Louis s’était développé de façon anarchique. (Ville de Québec – [1925?], anonyme, BAnQ, Collection initiale, P600,S4,SS3,P565-122)

Vue rapprochée de l'édifice Honoré-Mercier vers 1925. Le bâtiment borde alors la rue Sainte-Julie, intégrée de nos jours à la promenade des premiers ministres, un parcours thématique sur les anciens premiers ministres du Québec. (Quartier Saint-Jean-Baptiste - Parlement de Québec - Édifice, Livernois - [Vers 1925], BAnQ. Fonds L'Action catholique, P428,S3,SS1,D13,P9-12)

Vue rapprochée de l’aile nord (édifice Honoré-Mercier) vers 1925 dans laquelle se trouve notamment le bureau du premier ministre. Le bâtiment borde alors la rue Sainte-Julie, intégrée de nos jours à la promenade des Premiers-ministres, un parcours thématique sur les anciens premiers ministres du Québec. (Quartier Saint-Jean-Baptiste – Parlement de Québec – Édifice, Livernois – [Vers 1925], BAnQ. Fonds L’Action catholique, P428,S3,SS1,D13,P9-12)

Photographie de Louis-Alexandre Taschereau (1867-1952). Ministre des Travaux publics puis premier ministre du Québec, il est l'artisan de la première expansion de la cité parlementaire. (Louis-Alexandre Taschereau - [Vers 1925], BAnQ, Fonds J. E. Livernois Ltée, P560,S2,D1,P127073)

Photographie de Louis-Alexandre Taschereau (1867-1952) vers 1925. Ministre des Travaux publics (1907-1919) puis premier ministre du Québec (1920-1936), il est l’artisan de la première expansion de la cité parlementaire. (Louis-Alexandre Taschereau – [Vers 1925], BAnQ, Fonds J. E. Livernois Ltée, P560,S2,D1,P127073)

Les gouvernements qui se succèdent à Québec dans les années 1960, à commencer par le Cabinet de Jean Lesage, reprennent le flambeau porté par Taschereau. Fruit d’études mandatées par la Commission d’aménagement de Québec[7], les rapports Fiset (1963) et Pratte (1965)[8] proposent une vision des changements à apporter à la colline Parlementaire et l’établissement de règles d’aménagement. Ainsi, en 1965, le boulevard Saint-Cyrille est prolongé de la rue Claire-Fontaine jusqu’à l’avenue Dufferin (Honoré-Mercier). À la fin des années 1960, deux édifices publics font leur apparition du côté sud du boulevard : le Complexe G (édifice Marie-Guyart), érigé de 1967 à 1972, et le Grand Théâtre, construit pendant la même période. De l’autre côté du boulevard, deux projets privés sont mis de l’avant. La Place Saint-Cyrille (Place Québec) prend forme par la construction, en 1971, d’un édifice à bureaux puis, trois ans plus tard, de l’hôtel Hilton, d’une galerie marchande et du Centre municipal des congrès[9]. En 1974 apparait également plus à l’ouest la Place Hauteville, le site de l’actuel hôtel Delta. La construction de ces édifices exige la démolition de nombreux bâtiments dans le faubourg Saint-Louis[10]. Notons que l’aménagement du boulevard Saint-Cyrille et de son flanc nord s’inscrit dans un effort de reconfiguration du quartier, jugé « zone d’habitat inadéquat » par le rapport Martin[11].

Plan du secteur de la colline parlementaire en 1941. On visualise également la configuration particulière de la trame du faubourg Saint-Louis. (Plan de la cité de Québec, Altheod Tremblay et Édouard Hamel, Cité de Québec, Département des travaux publics, 1941, BAnQ, Collection Centre d’archives de Québec, P1000,S5,P11)

Plan du secteur de la colline Parlementaire en 1941. On visualise également la configuration particulière de la trame du faubourg Saint-Louis. (Plan de la cité de Québec, Altheod Tremblay et Édouard Hamel, Cité de Québec, Département des travaux publics, 1941, BAnQ, Collection Centre d’archives de Québec, P1000,S5,P11)

Vue aérienne de la colline parlementaire en 1968. On aperçoit, au premier plan, le Grand Théâtre alors en construction. On distingue également plusieurs espaces de stationnement aux abords du boulevard Saint-Cyrille. Ceux-ci feront place au parc de l'Amérique-française en 1979 et à l'édifice Hector-Fabre en dix ans plus tard. (Vue aérienne de la construction du Grand Théâtre à Québec, Neuville Bazin - 1968, BAnQ, Fonds Ministère de la Culture et des Communications, E6,S7,SS1,P6810944).

Vue aérienne de la colline Parlementaire en 1968. On aperçoit, au premier plan, le Grand Théâtre alors en construction. On distingue également plusieurs espaces de stationnement aux abords du boulevard Saint-Cyrille. Ceux-ci feront place au parc de l’Amérique-française en 1979 et à l’édifice Hector-Fabre en dix ans plus tard. Enfin, on reconnait, à leur toiture verte, les édifices D (Jean-Antoine-Panet) et E (André-Laurendeau) érigés dans les années 1930. (Vue aérienne de la construction du Grand Théâtre à Québec, Neuville Bazin – 1968, BAnQ, Fonds Ministère de la Culture et des Communications, E6,S7,SS1,P6810944).

Vue aérienne de la colline parlementaire en 1972. La seconde phase de Place Québec est en voie de réalisation (au premier plan à gauche). (Vues aériennes de Québec et des alentours immédiats ; complexe G et centre ville, Jules Rochon - 1972-05, BAnQ, Fonds Ministère des Communications, E10,S44,SS1,D72-109,PE1)

Vue aérienne de la colline Parlementaire en 1972. La seconde phase de Place Québec est en voie de réalisation (au premier plan à gauche). (Vues aériennes de Québec et des alentours immédiats ; complexe G et centre ville, Jules Rochon – 1972-05, BAnQ, Fonds Ministère des Communications, E10,S44,SS1,D72-109,PE1)

Dans les années 1970, ce vaste chantier, qui provoque le dépeuplement du quartier Saint-Jean-Baptiste, suscite le mécontentement. Le gouvernement modifie ses orientations par l’adoption du Schéma d’aménagement de la colline parlementaire en 1978 et du Réaménagement de la colline parlementaire dix ans plus tard. Ceux-ci visent à redonner au secteur un visage plus humain et à y intégrer plus harmonieusement les futurs bâtiments. C’est dans ce contexte qu’apparait l’édifice Hector-Fabre (1989), qu’est réaménagé le boulevard René-Lévesque Est (1995) et que des édifices à vocation résidentielle s’ajoutent en bordure du boulevard dans les années 2000.

Vue actuelle de l'édifice Hector-Fabre. (Collection de l'auteur, 2015)

Vue actuelle de l’édifice Hector-Fabre. (Collection de l’auteur, 2015)

[1] À l’époque, l’édifice est communément appelé «hôtel du gouvernement» puisque trois des quatre ailes abritent les bureaux de ministères.

[2] Il s’agit des actuels édifices Pamphile-Le May, construit de 1910 à 1915, et Honoré-Mercier, érigé de 1922 à 1925. Ce dernier apparait au premier plan à gauche sur les deux photographies à l’honneur dans cette chronique. Signe précurseur des futurs aménagements sur la colline Parlementaire, la construction de l’édifice C (Honoré-Mercier) nécessite la démolition de plusieurs résidences sur la rue Sainte-Julie, voie qui n’existe plus de nos jours.

[3] Député provincial de Montmorency (1900-1936), Taschereau dirige notamment le ministère des Travaux publics de 1907 à 1919. Devenu premier ministre en 1920, il règne sans interruption jusqu’en 1936.

[4] Plusieurs ministères sont créés dans les premières décennies du XXe siècle : Voirie (1912), Affaires municipales (1918), Travail (1931), Industrie et commerce (1935).

[5] Précisons que le gouvernement de Maurice Duplessis se montre initialement favorable à la construction du troisième immeuble projeté dans la mesure son financement est assuré en vertu d’une entente fédérale-provinciale sur le travail des chômeurs. Le gouvernement unioniste change son fusil d’épaule en attribuant ces fonds à des travaux d’aménagement dans les parcs de Québec. À défaut de construire de nouveaux immeubles sur la colline Parlementaire, les gouvernements Duplessis (1936-1939, 1944-1959) et Godbout (1939-1944) installent des services dans des bâtiments voisins de l’hôtel du Parlement.

[6] Ce sont les actuels édifices Jean-Antoine-Panet, érigé de 1930 à 1932, et André-Laurendeau, élevé de 1934 à 1937. Jusqu’en 1980, ils portent le nom d’édifices D et E. L’édifice Jean-Antoine-Panet apparait à l’arrière de l’édifice Honoré-Mercier sur les deux photographies qui font l’objet de l’analyse.

[7] Créé par une loi provinciale en 1961, la commission doit assurer « […] l’aménagement, la restauration et l’embellissement de la région de la capitale du Québec et la conservation de son cachet distinctif ». Elle se veut l’ancêtre de l’actuelle Commission de la capitale nationale. Voir Claude Bergeron, L’avenir de la colline parlementaire, Québec, Éditions du Pélican, 1974, p. 20.

[8] Le rapport Fiset ou Rapport sur l’aménagement de la Cité parlementaire et du secteur limitrophe, établit une vision d’ensemble en proposant notamment le prolongement du boulevard Saint-Cyrille (actuel René-Lévesque), l’attribution de la partie sud du boulevard à des projets publics et de la partie nord aux initiatives privées. Il propose également des règles d’architecture stipulant que les nouvelles constructions doivent s’intégrer harmonieusement aux édifices parlementaires construits antérieurement. Face aux pressions de promoteurs, les règles établies dans le rapport Fiset sont revues dans le rapport Pratte, dont les conclusions sont reprises en 1969 dans le Concept général de réaménagement de la colline parlementaire, 1967-1987. Ainsi, ce dernier supprime la restriction limitant la hauteur des édifices établie par le rapport Fiset. Ces documents se basent en bonne partie sur les recommandations formulées en 1956 par l’urbaniste Jacques Gréber et l’architecte Édouard Fiset dans le Projet d’aménagement de Québec et de sa région (ou Rapport Gréber), qui se veut le premier plan d’urbanisme de la ville de Québec.

[9] La Ville de Québec s’associe au promoteur privé pour l’édification du centre de congrès. En 1994, la participation financière des gouvernements du Québec et du Canada permet la construction de l’actuel Centre des congrès de Québec.

[10] 2278 bâtiments sont rasés à Québec entre 1960 et 1976, dont plus de la moitié dans les faubourgs Saint-Louis et Saint-Jean-Baptiste. Le faubourg Saint-Louis, intégré de nos jours dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, correspondait au territoire entourant l’hôtel du Parlement.

[11] La Commission d’enquête sur le logement, instituée par la Ville de Québec en 1957 et présidée par le sociologue Jean-Marie Martin, précise, dans son rapport déposé par tranches entre 1961 et 1963, que « […] les zones d’habitat inadéquat représent[ent] 41% de tout le territoire urbain et [qu’elles] regroup[ent] 45% de la population entière de la ville ». Le rapport recommande que le territoire compris entre l’actuel boulevard René-Lévesque Est et la rue Saint-Jean soit « […] réaménagé le plus tôt possible ». Gilles Lamontagne, maire de Québec de 1965 à 1977, dira à propos du rapport Martin en 1977 « […] qu’il n’y en aurait plus de Saint-Jean-Baptiste, si on l’avait appliqué intégralement ». Voir Claude Bergeron, op. cit., p. 18-19; « Présentation de mémoires [par la ] Ville de Québec », Journal des débats de la Commission permanente des transports, des travaux publics et de l’approvisionnement, 31e législature, 2e session, le mercredi 23 mars 1977, Assemblée nationale du Québec.


Documents consultés

BÉLANGER, Réal. « L’Hôtel du Parlement [:] symbole de l’État québécois en devenir ». Serge COURVILLE et Robert Garon, dir. Québec ville et capitale. Sainte-Foy, Archives nationales du Québec/Presses de l’Université Laval, 2001, p. 412-450. Coll. « Atlas historique du Québec ». (Accessible intégralement en ligne)

BERGERON, Claude. L’avenir de la colline parlementaire. Québec, Éditions du Pélican, 1974, 150 p.

BLAIS, Christian et al. Québec : quatre siècles d’une capitale. Québec, Assemblée nationale du Québec, 2008, IX-692 p.

LEMOINE, Réjean. « 1956 : un premier plan d’urbanisme pour Québec ». Québec Urbain. Ixmédia.

LEMOINE, Réjean. « Planifier le développement de Québec ». Québec Urbain. Ixmédia.

NOPPEN, Luc et Lucie K. Morisset. Québec de roc et de pierres : la capitale en architecture. Sainte-Foy/Québec, Éditions MultiMondes/ Commission de la Capitale nationale du Québec, 1998, XI-150 p.

Patri-Arch. Patrimoine du quartier Saint-Jean-Baptiste, partie sud : histoire de la forme urbaine. Québec, Ville de Québec/Centre de développement économique et urbain/Design et patrimoine, 1997, VI-198 p.

Patri-Arch. Patrimoine du quartier Saint-Jean-Baptiste, partie sud : patrimoine architectural. Québec, Ville de Québec/Centre de développement économique et urbain/Design et patrimoine, 1997, VI-191 p.

Patri-Arch. Patrimoine du quartier Saint-Jean-Baptiste, partie sud : répertoire des propriétés. Québec, Ville de Québec/Centre de développement économique et urbain/Design et patrimoine, 1997, V-264 p.


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8 réflexions sur “La colline Parlementaire (1971)

  1. Je recherche des photos de là maisons de mes grand parents qui on été exproprié pour la construction du pigeonnier à côté du parlement. Connaissez vous des sites où je pourrais en trouver?

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  2. Bonjours, ça fait deux fois que je lis votre document sur l’histoire de la rue Sainte-Julie, Je cherche votre publication de l’histoire de la Rue Artillerie, je suis né et j’ai grandi sur la Rue Saint-Augustin à l’angle de la rue Artillerie et de la rue Sainte Julie. J’ai vécu dans ce quartier de 1948 à 1970. Merci de vos écrits sur ce secteur Disparu.

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